Le reporter, auteur, réalisateur et chroniqueur Stéphane Dugast a rejoint la mission océan Indien aux Seychelles avec le photographe Nicolas Mathys, plus exactement à Aldabra où il accompagnait la délégation de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco lors de son déplacement sur l’atoll. Impressions d’un baroudeur, d’un « pékin » et reporter pour Cols Bleus, le journal de la marine nationale française.
Drôle de pékin !
« Pékin », le terme désigne de façon péjorative « tout individu ne portant pas d’uniforme militaire ». Bref, les gars de la Royale nomment « pékin » tout ce qui n’est pas militaire, et qui leur est étranger. Un drôle de sobriquet qui me colle à la peau car j’ai été un « pékin » durant 17 ans en qualité de reporter pour Cols Bleus, le journal de la marine nationale depuis 1945.
Stylo et carnet en poche, j’ai à ce titre multiplié les embarquements sur des « bateaux gris » (comme il les appellent) de toutes les tailles. Porte-avions R91 « Charles-de-Gaulle », porte-hélicoptères R97 « La Jeanne d’Arc » (bâtiment au sein duquel a embarqué S.A.S Le Prince Albert II de Monaco, en qualité de midship au début des années 1980), frégates anti-sous-marine, frégate anti-aérienne, frégate furtive, patrouilleur et même sous-marin nucléaire d’attaque ou encore goélette… J’ai posé mon sac de reporter sur tous ces navires pour vivre in situ des missions plus ou moins pacifiques. J’ai ainsi goûté à la vie embarquée, aux ports lointains et aux escales les plus exotiques. J’ai surtout appris à raconter, avec des mots et des images, les gens de mer et leur quotidien.
J’aime depuis la vie embarquée, celle qui consiste à quitter la terre pour ensuite devoir apprivoiser les premiers jours le roulis et le tangage. J’aime à humer les odeurs de gasoil autant que l’air du large. J’affectionne ce temps qui s’écoule autrement, rythmé ici par les plongées, les dragages, les chalutages, les mises à l’eau de la rosette ou du ROV.
Depuis une semaine, j’ai en effet embarqué avec 80 scientifiques, 3 artistes, 3 cinéastes et une quarantaine de marins à bord du S.A. Aghulas II, pour vivre de l’intérieur la campagne océanographique « Océan Indien » orchestrée par Monaco Explorations.
Il faut dire qu’avec mon compagnon de route Mathys, j’ai pris mes marques. J’aime à monter et descendre, du matin au soir, les escaliers (les vrais marins disent des « échappées »). J’aime à me rendre dès que possible au pont 3 à la poupe pour assister aux remontées des pêches miraculeuses comme les espèrent les chercheurs.
J’aime à assister au briefing du soir, une véritable pièce de théâtre, comique parfois ou tragique. J’affectionne aussi les repas à heures fixes à la sauce sud-africaine, le pavillon de ce fier navire.
Par-dessus tout, j’aime me rendre au pont numéro 9 au-dessus de la passerelle navigation quand le soleil ne va pas tarder à se coucher. J’affectionne ce moment quand le soleil disparait de l’horizon le plus souvent masqué ici par une forêt de nuages gris-bleu. J’aime alors voir le ciel s’embraser et l’obscurité nous envelopper, la promesse selon moi d’une nouvelle aube, d’une nouvelle journée en mer. Ces instants me rendent philosophe et rêveur.
Je me plais à imaginer L’Aghulas II vu d’un satellite. Sur ce globe, nous ne sommes qu’un point minuscule perdu dans l’immensité de l’océan, avec sous notre étrave un herbier sous-marin aussi vaste que la Suisse.
Bigre, il y a donc encore des mare incognitae à explorer en 2022. Il y a 24 ans, je m’étais promis d’être un Philéas Fogg, un voyageur curieux et libre.
Pari tenu ! Que la mer peut être jolie pour un « drôle » de pékin…
Stéphane Dugast
Reporter, auteur, réalisateur et chroniqueur, Stéphane Dugast multiplie depuis l’an 2000 les enquêtes et les tournages sous toutes les latitudes avec un goût prononcé pour les mondes sauvages et les embarquements en tous genres.