Florence Galletti est membre de l’IRD, spécialisée dans le Droit de la mer. Elle fait le point sur les évolutions actuelles dans ce domaine. Plus que jamais, le Droit de la mer s’avère essentiel pour organiser le développement économique des États et résoudre les conflits inter-étatiques portant sur les océans et les mers. Mais il se voit aussi rattrapé par le besoin d’instruments permettant la préservation d’une diversité biologique en situation suffisamment bonne pour rester en capacité d’être exploitée.
Les évolutions du Droit de la mer au XXIème siècle
A combien de milles marins sommes-nous encore de l’inflexion environnementaliste ?
Le « nouveau droit de la mer » qui vient de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM, UNCLOS en anglais) du 10 décembre 1982, entrée en vigueur en 1994, avait un objectif double : organiser le développement économique des États et résoudre les conflits interétatiques portant sur les océans et les mers. Il laisse une cartographie formée de zones maritimes établies en fonction de la CNUDM, du droit coutumier, ou d’arrêts de justice internationale, avec, d’une part, des espaces pour la plupart délimités par des méthodes scientifiques, tels que les eaux intérieures, les mers territoriales, les zones contigües, les zones économiques exclusives (ZEE), les plateaux continentaux simples ou désormais étendus, la haute mer, la zone internationale des fonds marins, et leurs sous-déclinaisons formées par des zones de pêche, avec d’autre part, des espaces plus spécifiques (îles, baies, détroits , canaux internationaux, eaux archipélagiques) et leurs régimes. Il a réparti de manière sécurisée le droit des États, ainsi que le rôle d’organisations internationales publiques, institutions ou agences spécialisées des Nations unies : organisations régionales de pêches (ORP), Autorité internationale des fonds marins (AIFM), Commission océanographique intergouvernementale (COI) …
Ce droit international de la mer du XXe siècle n’a-t-il eu qu’un aspect territorial ?
On a oublié qu’il rappelle l’obligation de conserver certains services écologiques rendus, même si l’expression ne s’employait pas, et le besoin de ne pas en priver les autres États.
L’état de l’environnement n’est pas à ranger parmi les impensés du texte de la CNUDM, au contraire. Elle a reconnu la recherche scientifique marine (Partie XIII, CNUDM), dans sa capacité à le renseigner et à analyser les ressources océaniques. Distinct du droit de l’environnement qui s’intéresse à la mer du point de vue de la protection du milieu naturel, le droit international de la mer se voit rattrapé par le besoin d’instruments permettant la préservation d’une diversité biologique en situation suffisamment bonne pour rester en capacité d’être exploitée.
Ceci n’est pas le fruit du hasard.
La multiplication d’activités et de projets en mers, la réduction des ressources disponibles, l’accroissement des dégradations et dysfonctionnement écologiques – mieux identifiés par les progrès des sciences marines –, interpellent, la sous-utilisation du droit international de la mer pour corriger ces situations aussi.
Chaque cas est unique, les zones maritimes ne sont pas à égalité, y compris à l’intérieur d’un même État. Mais Ce qui existe en droit de la mer et en droit des pêches suffit pourtant aux gouvernants pour engager des actions, seuls ou en commun, dans le respect de ce que le droit international permet, pour la ZEE et le plateau continental. Le développement d’aires marines protégées « non récifales », plus distantes, sur des sites pertinents (exemple : monts sous-marins) est un exemple d’action publiques nationales timidement entreprises à des fins écologiques. Elles peinent à gagner une dimension bilatérale ou multilatérale par passation d’accords entre États pour protéger, à deux ou à plusieurs, des d’habitats répartis entre États. Dans l’océan Indien occidental des accords de coopération de ce type ont une utilité avérée. Sur ces sujets modernes, comme la protection juridique des réseaux écologiques marins (Galletti,2014), le droit international de la mer, animé par des États volontaires, doit se mobiliser. Au-delà des eaux sous juridiction nationale, survient un projet de traité : l’« Instrument international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ». Bien que soulevant des critiques, ce traité devrait juridiciser davantage, mieux, ou de manière nouvelle, la conservation et l’utilisation de la diversité biologique marine la plus éloignée (Galletti, 2022), si l’océan Indien sait en tirer parti…
Florence Galletti
Le Dr. Florence Galletti, est chargée de recherche en droit public auprès de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), établissement public de recherche scientifique français.