Coordinateur des différents projets scientifiques sur le Banc de Saya de Malha pendant la mission océan Indien des Explorations de Monaco, Francis Marsac, représentant de l’IRD aux Seychelles, halieute et océanographe, fait un premier bilan des opérations effectuées sur le terrain. Trois semaines intenses et de nombreuses satisfactions à chaud, y compris sur le plan humain, avec de beaux prolongements et résultats en perspective.
Clap de fin
Le Banc de Saya de Malha est déjà loin derrière le sillage du S.A Agulhas II… La campagne s’est achevée à l’Ile Maurice le 22 novembre, les laboratoires ont été vidés de leurs équipements amenés spécialement pour ce projet. Appareils de mesures, engins de pêche et spécimens collectés ont été remisés dans le conteneur et dans des caisses qui seront débarqués à Cape Town, destination finale du périple des Explorations de Monaco entamé le 3 octobre, avant de rejoindre les laboratoires français. Grand silence à bord qui succède à l’agitation passée sur le pont, aux bruits des treuils, aux allées venues des uns et des autres, aux portes qui s’ouvrent et se ferment… La ruche est déserte, blues de fin de campagne !
Que restera-t-il de notre passage sur cette mer peu profonde plantée au milieu de l’océan ? A peine quelques traces de nos engins trainants, qui seront vite estompées par les courants qui remodèlent les sédiments sans relâche. En revanche, une magnifique moisson de specimens des communautés benthiques, récoltée sur à peine 60 000 m² répartis en cinq secteurs, le long d’un trajet de 1600 milles marins sur le banc de Saya de Malha.
De quoi parle-t-on au juste ? De 300 à 400 espèces de mollusques, environ 300 espèces de crustacés et une centaine d’espèces d’algues ramenées à bord, triées et examinées à la loupe binoculaire par nos experts du Museum National d’Histoire Naturelle. Déjà, trois spécimens de gastéropodes et un crustacé sont considérés comme des espèces nouvelles, c’est-à-dire, non encore décrites par les taxonomistes. Deux espèces emblématiques, un gastéropode, Conus primus, et le bénitier Tridacna rosewaterii, ont été « re-découvertes » sur Saya de Malha. Le potentiel de découverte d’autres espèces endémiques, voire nouvelles, parmi nos collections est important, signale le professeur Philippe Bouchet, malacologiste de renommée internationale, membre de l’expédition. Ce qui va occuper les spécialistes pendant les cinq années à venir compte tenu de l’ampleur de cette récolte. A suivre de très près
Des giga-octets de données numériques de paramètres physico-chimiques et biologiques mesurés par la bathysonde dans la colonne d’eau ont été engrangées sur les ordinateurs. Ce sont aussi de longues heures de séquences vidéo filmées par le ROV durant ses sept plongées, et d’images prises par différentes caméras mouillées sur le fond qui restent à traiter, de quoi alimenter des sujets de recherche pour nos jeunes chercheurs de la région. Ces informations de choix sur les propriétés de la colonne d’eau et les habitats visités, donnent du contexte à l’inventaire floristique et faunistique précédemment décrit.
On peut se complaire de ce premier bilan scientifique à chaud. Pour autant, la première richesse de l’expédition est d’ordre humain. L’équipe scientifique était formée de scientifiques originaires des Seychelles (dont des étudiants), de l’Ile Maurice, de France, d’Afrique du Sud et d’Espagne. Un « melting pot » de nationalités et de compétences qui a fonctionné à merveille. Une fusion intergénérationnelle d’échanges, d’interaction, d’entraide, d’intérêts qui s’est mise en place après seulement quelques jours d’apprentissage des uns et des autres.
A mon sens, l’expédition des Explorations de Monaco a contribué largement au renforcement des échanges entre scientifiques Seychellois et Mauriciens. Ils se connaissaient peu, ils ont maintenant une motivation affirmée de développer des projets en commun. « A quand la prochaine campagne ? », se sont-ils exclamés au moment de quitter le navire.
Le cadre de la zone de gestion conjointe de Saya de Malha s’y prête parfaitement, car Seychelles et Maurice ont chacun développé une feuille de route de leur Economie Bleue et veulent œuvrer ensemble à l’utilisation raisonnée et durable des ressources de Saya de Malha. Cela ne peut se faire que sur des bases scientifiques. Je suis convaincu que cette envie de travailler ensemble n’est pas un « one shot ».
Elle se poursuivra dans un cadre plus large, incluant des formations et de futurs projets à co-construire avec les scientifiques de l’expédition extérieurs à la région.
Francis Marsac
Administrateur Représentant de l’IRD aux Seychelles, Halieute et océanographe, coordinateur des opérations scientifiques menées sur Saya de Malha pendant la deuxième partie de la mission océan Indien des Explorations de Monaco.