MISSION NOUVELLE-CALEDONIE 2019 – PACIFIQUE
- ADN environnemental, Eaux profondes, Nouvelle-Calédonie, requins
Le projet MEGAFAUNE
Un vaste inventaire a été entrepris à travers le monde pour recenser la mégafaune marine ; poissons, mammifères marins, requins, tortues, … La mission en Nouvelle-Calédonie est l’une des étapes de cette opération d’envergure.
Explorer l’inconnu
Les Explorations de Monaco ont participé au financement de deux missions qui ont eu lieu respectivement en avril et juin 2019 à partir de la Nouvelle-Calédonie à bord de l’Alis dans le cadre du programme 2019 de la Flotte Océanographique Française.
Leur projet de recherche : explorer les îles isolées et les monts sous-marins de la mer de Corail afin d’étudier, identifier et recenser la faune marine qui les peuple.
Ces opérations ont été conduites sous la direction de Laurent Vigliola (chercheur de l’Institut français de Recherche pour le Développement (IRD), programme Seamounts financé par l’Agence nationale de la recherche française et le Parc naturel de la mer de Corail) et celle de David Mouillot de l’Université de Montpellier, directeur de recherche de l’Unité Mixte de Recherche MARBEC (MARine Biodiversity, Exploitation et Conservation).
Les monts sous-marins, oasis de vie ?
Les monts sous-marins de la mer de Corail s’élèvent à de plus de 1 000 m d’altitude au-dessus du fond de la mer. Leurs sommets affleurent à une profondeur de 50 à 100 m sous la surface, et ils restent largement méconnus. A ce jour, 4% seulement de ces zones ont été échantillonnées à des fins scientifiques. Or tout porte à croire que ces écosystèmes uniques abritent des oasis de vie et des « hotspots » de biodiversité.
Risque de surexploitation des espèces
Ces zones profondes et les animaux qui s’y abritent sont hélas grandement menacés par une pression de la pêche toujours plus forte, ce qui expose certaines espèces à un risque de surexploitation, voire d’extinction. La protection des animaux marins tels que les requins et autres grands vertébrés est aujourd’hui au cœur des préoccupations environnementales. L’exploration de ces grands fonds est indispensable pour mieux les connaître et ainsi mieux les protéger.
Hypothèses scientifiques et techniques innovantes
Pour détecter les espèces présentes dans ces zones profondes deux techniques principales sont déployées : des prélèvements d’eau afin d’étudier l’ADN environnemental et des caméras appâtées.
Localisation
– ADN environnemental
Le principe repose sur l’étude des traces d’ADN (des empreintes) qui persistent dans l’eau après le passage d’une espèce. Il s’agit de collecter à un endroit donné de l’eau de mer à des profondeurs ciblées, de la filtrer, d’isoler l’ADN présent et de le comparer à un catalogue de données existantes (base de référence) pour savoir quelle espèce était présente, à quel endroit et à quel moment.
– Caméras appâtées
Les caméras appâtées font partie des techniques permettant d’étudier la faune marine en dehors de toute présence humaine, et donc sans perturbation du comportement des animaux Installées dans la colonne d’eau ou sur le fond de la mer, elles enregistrent les images d’une faune attirée par un appât placé devant l’objectif. Les chercheurs découvrent ainsi la diversité des espèces qui peuplent les profondeurs, estiment leur quantité (la « biomasse ») et étudient leur comportement. Opérées selon un protocole précis, les caméras appâtées permettent de suivre l’évolution d’une zone au cours du temps et de comparer entre-elles des zones géographiquement éloignées.
– La croisée de deux techniques
Grâce à ces deux techniques complémentaires, les scientifiques espèrent apporter des éléments de réponse à plusieurs hypothèses : les monts sous- marins constituent-ils des oasis de biodiversité ? Quels vertébrés trouvent vraiment refuge face aux pressions humaines dans ces zones profondes ? Les grands vertébrés marins serait-ils simplement hors de portée de l’homme dans ces zones profondes et pas du tout en voie de déclin ?
Le fil d’Ariane des Explorations de Monaco
Avec le soutien des Explorations de Monaco, ces techniques, non impactantes pour les animaux, ont pu être testées et améliorées à plusieurs reprises, notamment pendant la traversée transatlantique et la mission Sargasses, mais aussi en Colombie, à Malpélo ou par la suite pendant la mission Planète Méditerranée de Laurent Ballesta. Mission après mission, le fil d’Ariane de la biodiversité se démêle et apporte petit à petit de nombreuses découvertes passionnantes.
De nombreuses espèces encore à référencer
Aujourd’hui seuls 16 % des espèces sont génétiquement référencées. Il reste donc un énorme travail de collecte et de séquençage à effectuer pour compléter la base de données de référence. Durant les missions sur l’Alis, des prélèvements ciblés ont aussi été organisés pour effectuer des prélèvement de fragments de nageoires sur les poissons afin d’en extraire l’ADN et ainsi les référencer grâce au séquençage de leur ADN.
Déjà des résultats !
Depuis le début des missions soutenues par les Explorations de Monaco, 1 000 nouvelles espèces sont venues enrichir la base de référence d’ADN environnemental. Sur les 6 000 espèces de poissons tropicaux vertébrés connues actuellement, seulement 2 000 étaient séquencées jusqu’alors. Depuis 2017, ce sont 1 000 nouvelles espèces qui sont ajoutées grâce aux travaux menés dans le cadre du projet MEGAFAUNE.
Base de données internationale
Cette base de référence est partagée internationalement par toute la communauté scientifique et facilite grandement l’identification des espèces marines qui fréquentent une zone donnée.
Témoignage de Laetitia Mathon, doctorante et membre de la mission
Durant cette mission, nous avons travaillé à compléter la base de référence des poissons tropicaux. En effet, afin de pouvoir reconnaitre les espèces (via leur ADN) dans les échantillons d’ADN environnemental, il faut d’abord connaitre leurs séquences. Pour cela, nous avons extrait l’ADN contenu dans des échantillons stockés dans les congélateurs de l’IRD, et nous avons également prélevé des tissus de poissons au marché de Nouméa. Cet ADN a ensuite été séquencé, et nous avons ainsi obtenu 122 nouvelles séquences. Au cours de cette mission, nous avons également mis en place la capture d’images vidéos par survol du lagon, afin de pouvoir identifier la mégafaune.
Le Parc naturel de la mer de Corail
En 2012, l’accord signé pour la création du Parc naturel de la mer de Corail en Nouvelle-Calédonie (1 300 000 km2) en a fait l’un des plus grands parcs marins au monde. Il représente 12,7 % de l’espace maritime français et englobe 55% des récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie travaille actuellement à la spatialisation précise du parc. Cela consiste à décider quelles zones particulièrement remarquables seront sanctuarisées, et quelles autres zones pourront faire l’objet d’une exploitation humaine raisonnée.
Une aide importante à la prise de décision
Le processus de zonage nécessite la compilation de l’information existante et le soutien des initiatives visant à collecter de l’information nouvelle et utile à la mise en place du parc. Les données collectées par l’équipe de Laurent Vigliola et David Mouillot participent directement à l’information du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Elles apportent de nouvelles connaissances sur la biologie et l’habitat des vertébrés très précieuses dans le processus de mise en place du Parc naturel de la mer de Corail.
L’Alis
Le N/O Alis est un navire de la flotte océanographique française qui opère dans l’océan Pacifique Sud-Ouest de la Polynésie Française à la Papouasie-Nouvelle Guinée. Il est basé en Nouvelle-Calédonie. Il réalise des missions d’océanographie physique (bathysonde, courantomètre à effet Doppler de coque ), de biologie (chaluts instrumentés, sondeur d’observation de la colonne d’eau EK60), et de bathymétrie (sondeur multifaisceaux EM1002). Il est aussi utilisé en tant que navire support pour des missions de plongée (étude de la biodiversité).
Les membres de la mission
David Mouillot
David Mouillot, de l’Université de Montpellier, directeur de recherche de l’Unité Mixte de Recherche MARBEC (MARine Biodiversity, Exploitation et Conservation) et son équipe s’intéressent depuis plusieurs années à la distribution de la mégafaune dans les zones profondes où se trouvent des monts sous-marins. Utilisant les techniques de l’ADN environnemental et celle des caméras appâtées, son équipe, en collaboration avec les Explorations de Monaco, a collecté des données dans plusieurs zones du globe. David Mouillot, a été nommé cette année « membre senior » de l’Institut Universitaire de France.
Retrouvez ces travaux ici.
— Dr Laurent Vigliola
Laurent Vigliola est chercheur à l’IRD Nouméa où il étudie les poissons des récifs coralliens aux échelles locale, régionale et globale. Chef de mission de ces deux dernières expéditions sur l’Alis, ses recherches portent sur les écosystèmes coralliens et la complexité des connections entre espèces. Il utilise des outils variés tels que les comptages en plongée, l’analyse des otolithes des poissons (âge, croissance, microchimie), les pièges lumineux, la télémétrie accoustique, la génétique environnementale, la génétique populationnelle et la modélisation. En savoir plus ici.
— Laetitia Mathon
Laetitia est une jeune doctorante du CNRS, en partenariat avec l’UMR Entropie à Nouméa, et l’entreprise SPYGEN. Passionnée par les animaux marins, leur écologie et les grands mystères qui les entourent, elle s’est lancée dans une thèse sur l’étude de la répartition des poissons dans les milieux peu connus, tels que les monts sous-marins ou les profondeurs.
— Nadia Faure
Nadia étudie actuellement la biologie à l’université de Swansea au Pays de Galles dans le cadre d’un échange avec son université d’origine Grenoble Alpes, pour sa 3e année de Licence. Bien que née dans les montagnes, elle est, depuis toute petite, passionnée par la vie sous-marine, ce qui l’a poussée à effectuer un stage volontaire et à participer à cette mission de recherche en écologie marine.
Campagnes d’échantillonnage
Après les deux opérations d’avril et juillet 2019, deux prochaines campagnes sont prévues en 2020. En tout, douze monts sous-marins et quatre récifs côtiers seront étudiés
La Principauté de Monaco engagée
Afin de protéger la biodiversité marine et notamment enrayer le déclin généralisé des grands prédateurs marins comme les requins, un nombre croissant de pays ont récemment décidé d’agir et de créer des Aires Marines Protégées géantes (AMP).
Particulièrement impliqué et convaincu de l’importance des Aires Marines Protégées, S.A.S. le Prince Albert II mobilise la Principauté et la communauté internationale. Cet engagement contribue efficacement à la mise en place des conditions propices à une protection durable et à l’acquisition des moyens nécessaires pour atteindre cet objectif.